Chroniques de l'album "9:solfatares"
Torso "9 : Solfatares"
(Factotum 2005)
"Entre Massive Attack pour le goût des basses,
The Cure pour l’attrait des arpèges cristallins à la guitare
et Diabologum pour le chant parlé et les paroles politiques désabusées,
le groupe Torso formé en 2002 produit une musique efficace. Efficace
car elle rompt avec le carcan couplets refrain qui, s’il est bien présent,
se plaque sur des mélodies en boucle, répétitives, volontairement
lassantes. Le trio va ainsi exploiter une idée jusqu’au bout, jusqu’à
la nausée (« Juillet 42 » et la dénonciation, les
ragots contre les voisins depuis la rafle du Vel d’Hiv). Certes, on frôle
parfois le tragi-comique, mais c’est un rire de protection, comme celui
qui nous saisit à l’écoute de « La Maison »,
texte qui énonce les discussions ineptes qu’on préfère
éviter alors qu’on
découvre qu’un pan entier de vie familiale nous avait jusque là
été caché.
On s’amuse même quand le flow se fait hip-hop (aide de Misanthrope,
rappeur de Toulon) et martèle ses jugements. Un autre moyen de noyer
les références et de donner de l’allant à une formule
qui évite ainsi de stagner.
L’autre coup de force, c’est « Bukka White », un morceau
simple et puissant, lourd, qui lorgne du côté de l’écrivain
Agota Kristof et dresse avec deux accords (« Eve White Eve Black »
de Siouxsie ?) le journal intime d’un enfant, entre solitude et claustration.
Nouvelle formule rock qui fait mouche avec « Pologne » : on entre,
invités par le rythme et on se trouve obligés de penser, de réagir.
Après leur reprise très remarqué de « Nijinski »
de Daniel Darc, les Alsaciens prouvent que la chanson française a de
beaux jours tristes devant elle, d’une tristesse lucide qui fait plaisir
à entendre et redonne la rage de vivre. Paradoxal et réussi." Sylvain Nicolino - Obsküre.com Janvier 2006
"Un détective de Cleveland a soutenu l'hypothèse que Torso
surnommé The Mad Butcher of Kingsbury Run – un meurtrier en série
qui a éparpillé les membres d'une douzaine de victimes aux quatre
coins de la ville dans les années 1930, et dont on n'a Jamais recouvert
l'identité – serait également l'auteur du meurtre sinistrement
célèbre du Dahlia Noir en Californie. Torso c'est aussi le nom
d'un groupe strasbourgeois surveillé par la brigade des moeurs, l'oeuvre
au noir et obsessionnelle de Vincent Fallacara, le crooner expressionniste de
A Sordid Poppy, de JefH, entretenant de dangereuses liaisons avec la
poésie visionnaire et la raison mentale. Dernièrement, Torso composa
l'Illustration sonore de la pièce de théâtre de Magnus Dahlstrom
; "L'épreuve de feu" mise en scène par Fernando Patriarca
pour la Cie Quartier Rose. Sa reprise du Nijinski de Daniel Darc paraissait
sur le tribute to Taxi girl et Torso jouait en premiers partie de Trisomie 21
reformé pour une tournée.
"9 ; solfatares" le nouveau disque de Torso, Indique le dépôt
de souffre à la commissure de la bouche d'un volcan endormi, et sonne
comme un nom de cocktail. Le solfatare puissance 9, à base de vodka russe
et de grappa italienne servi dans un nuage de fumée de carboglace. "9
: solfatares" est bien ce point de rencontre entre le feu et la glace,
entre le suçon et l'hématome, entre la cendre et la boue. Un disque
peuplé des fantômes du peintre allemand Max Beckmann qui a fui
le nazisme pour mourir en exil à New York, du poète russe et maudit
Maïakovski qui s'est tiré une balle dans le coeur à l'âge
de 37 ans ou de Bukka White, âme noire du blues de Memphis qui composa
ses plus belles chansons dans les murs du pénitencier de Parchman. Stagger
Lee vs Conrad Veidt ?
Torsoauto défini sa musique entre la cold wave de Joy Division, le spoken
word de Programme et les guitares Fender Jazz Master du Pornography de Cure,
dans des thèmes qui grondent comme des secousses telluriques et dans
des mots qui se gravent dans un frémissement de peau, sur des rythmes
souples et reptiliens à la surface desquels courent des affleurements
électroniques.
Très bon disque."
Patrick Peiffer –Station Sevice _ novembre 2005
"Suite parfaite au premier mini album "Torso",
"9:Solfatares" dévoile encore un peu plus le talent et les
influences de ce groupe français remarquable ! Toujours dénonciateurs,
Vincent et ses acolytes évoluent dans une forme de cold-wave novatrice
et inspirée, fine et étudiée, mêlant électronique,
electronica, instrumentation acoustique, samples et chant en français.
Sont repris ici "Pologne", "Bukka white" et "Juillet
42" déjà présentés sur le CD-R 3 titres paru
il y a peu, ainsi que l'excellent "Max Beckmann" remixé pour
l'occasion. "Encore de l'air", "Le meilleur des mondes",
"On répète comme des singes ce qu'on nous dit de penser"
sont autant de plaisirs sonores mais aussi de cris de colère, de désespoirs
et de lumières obscures qui développent une vision sordide du
monde, de la société qui nous entoure, lui tenant rigueur de ses
actes. Une très belle oeuvre, profonde et sensible, crue et réaliste.
Torso : une formation à découvrir absolument !"
P-Y Hohmann – webzine Cold Room 12/2005
Le meilleur des mondes - Juillet 1942
Encore de l'air - Bukka white - L'épreuve du feu
La maison (Lost Keys mix) - Max Beckmann
(Neue sachlichtkeit mix) - Pologne
On répète comme des singes
ce qu'on nous dit de penser (Clever Monkeys mix)
Et si 'Le meilleur des mondes' était à concevoir dès l'écoute
achevée de l'album de cette formation du Bas-Rhin dénommée
: Torso. Toute dictature stérilise l'esprit de l'être épris
de liberté, c'est ainsi que peut être perçu l'intro de [
9 : solfatares ] aux compositions ciselées avec acidité. Torso
met en évidence la perversion de l'humanité, la délation
('Juillet 1942'), l'inéluctable mort qui guette chacun de nos pas. Anonyme
jusqu'au tréfonds du regard, l'errance du pauvre mortel laisse indifférent.
'Encore de l'air' n'est qu'un exutoire à la nécessité impérieuse
de survivre, un cri du coeur meurtri par l'insolence d'une existence à
redéfinir, scandé avec toute la noblesse de l'espoir. Torso est
un projet authentique, exprimant le 'Bukka white', le nondit, assumant sa révolte
face à l'inacceptable, révèlant le vol de l'innocence par
un âge irrévérencieux, exposant la réalité
aux aspects vomitifs. Le chanteur, Vincent Fallacara, sait poser sa voix ('L'épreuve
du feu') lui donnant une force émotionnelle égale à celle
perçue à l'écoute de l'album [ Seppuku ] de Taxi Girl.
L'univers de Torso se définit comme étant une électro wave
lucide aux paroles défiant la banalité ('La maison'), teintée
de minimalisme comme sur 'Max Beckmann'. Le son enflamme la vision d'une 'Pologne'
méconnue mais avec l'épilogue à l'apparence d'une mise
en garde : 'On répète comme des singes ce qu'on nous dit de penser',
Torso confirme sa propension à décrire la réalité
insipide, livide car dépossédée du pouvoir de l'imagination.
Cette formation alsacienne est à suivre car elle devance la pensée,
s'évertue à nous prouver que la voie tracée n'est pas forcément
celle qui présente le plus d'intérêt. Cet acte indépendant
a le mérite d'être construit musicalement, se démarque par
la qualité de ses textes et par la manière de penser de ses auteurs.
Bien plus qu'un album, cette création à ciel ouvert ouvre des
horizons jusque-là insoupçonnés. Un bien bel exemple à
suivre, une découverte à propager
David D'Halleine – Webzine félinéa